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Dingo: déclencheur de sourires [Interview]

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Quel est le point commun entre Auto, Moto, Venturi, Ford, Jaguar, Peugeot, Fiat, Furygan, Triumph, Walt Disney, Kodak, Auto Verte ? Il a dégainé son objectif en 1972 pour devenir aujourd’hui le Besson ou le Dali de la photographie « maquina » (ne rougis pas Dingo, une réalité vérifiée pleine d’humilité).

Boitier Rouge, Dingo, Paul ont une vision proche de l’automobile me semble-t-il… Celle de l’Homme. Une affaire de passion, d’ingéniosité et de respect devant le grand mécanicien.

Dingo est une vraie personnalité qui a fait de sa différence un talent à contre-sens, ses photos saturées ont gagné leurs galons. Sa vision du monde, de la machine et de l’Être Humain est un poème à chaque shooting. Nos longues conversations confirment une approche simple mais non-simpliste de la photographie, car nous en convenons tous, il y a un sacré boulot technique derrière chaque cliché.

Je ne vois pas l’utilité de refaire ici ce que d’autres ont déjà fait parfaitement comme cette interview de 2014 que je trouve agréable et vivante. C’est pourquoi nous avons décidé avec Dingo de faire l’impasse sur son parcours et sa technique de façon théorique, pour ne partager que sa passion.

L’automobile, comme la photographie, est un parfait dosage d’émotions et de technicité. Dingo parle de Dingo, de l’homme, de sa passion et de son moteur à deux et à quatre roues.

Conversation

France : “Tous nos rêves peuvent devenir réalité, encore faut-il avoir le courage de les poursuivre.” disait Walt Disney

Dingo : C’est ça, mes photos, je les rêve puis je recherche exactement ce que j’ai en tête. Je me suis battu pour obtenir ces clichés tout comme pour convertir les gens à ma vision. Je pense que nous avons besoin de 10% de talents  90% de travail, et puis surtout la santé. C’est Ingrid Bergman qui disait « Le bonheur, c’est avoir une bonne santé et une mauvaise mémoire ». Dans mon cas, je n’ai pas vraiment vécu ça. Les gens aiment ce que je fais. Pourquoi ? Parce que l’humour est le point d’orgue de toutes mes photos.

Depuis que j’ai commencé dans ce milieu, ma philosophie est « Quand ta maman t’a mis au monde, ton père l’a amené en voiture à la maternité. Puis, quand tu mourras, on t’y emmènera aussi en voiture ». Pour moi, l’automobile est l’outil du début et de la fin du cycle d’une vie.

Mais la vie n’est pas triste, on ne voit pas assez d’éclats de rire sur les photos et surtout dans le milieu automobile, je trouve ça dommage. Aujourd’hui, si on doit se souvenir de moi, j’aimerai que ce soit ça : le rire et l’émotion par la photo.

J’ai choisi de faire tout ces trucs là pour égayer ce secteur qui par obligation se doit d’être sérieux si on parle de design, marketing, coûts, ventes, j’ai conscience de  ce travail incroyable en back office. Pourtant je pense que parfois, ils  devraient lâcher prise, prendre du recul, éclairer un nouvel angle pour apporter un autre regard sur l’automobile. Le rendre joyeux, apporter une touche de légèreté par l’humour et devenir ainsi un déclencheur de sourires.

Une personne passionnée sourit lorsqu’elle parle de sa passion, l’automobile est une passion elle doit donc donner du plaisir, de la joie. C’est ce que je recherche à chaque cliché, qu’il soit un provocateur de bonheur. »

France : Justement parlons de ce cliché controversé où l’on peut voir une femme debout en train de faire pipi comme un bonhomme et un homme en train de se refaire une beauté dans la Lamborghini.

Cette photo date de 3 ans à peu près, une période de grand changement sociétale sur les « places » de chacun. Pourtant, cette photo n’a jamais été diffusée, c’est la première fois que je la publie dans un média…

Lorsque un grand magazine automobile m’a donné carte blanche, j’avais ça en tête. Pour la petite anecdote, lorsque je l’ai présenté à la rédaction j’ai eu droit à  » mais c’est n’importe quoi! » Elle n’a jamais vu le jour (sauf aujourd’hui sur Boîtier Rouge, ndlr). J’avais dans l’idée d’inverser les codes, les places, je trouvais ça amusant, c’est une réalité de notre société actuelle. On demande aux hommes d’être une femme et aux femmes d’être un homme, je pense aux parents célibataires par exemple. Finalement, ce cliché dérange peut-être mais reste ancré dans une réalité. J’ai voulu le faire avec humour, comme à mon habitude mais les états d’esprits changent, le politiquement correct prend le dessus depuis quelques années.

J’ai vu ces évolutions durant ma carrière. La libéralisation de la communication des années 80 et 90 connaît depuis un peu plus de 10 ans un coup de frein, tendant vers la normalisation voire le nivellement des visions. Je me souviens de cette publicité de BMW dans les années 80 qui reprenait ce transfert des places, elle avait fait un tabac mais choquerait peut-être aujourd’hui.

Je reste certain que si j’avais proposé ce cliché au magazine Option Auto dans les années 80, je l’aurais retrouvé en double page au centre, les fameux posters de la presse papier, nous aurions vendu 40 000 exemplaires supplémentaires. Ce magazine permettait l’émancipation des nouveaux territoires photographique, il était bien ficelé, avec des numéros surprenants, différents, et agrémentés de photos incroyables. C’était un autre temps.

Je vais te raconter une anecdote et une autre façon de valoriser la bagnole d’une manière décalée à mon sens. Pour VSD, j’ai publié « Quelle est la meilleure voiture pour baiser?». Osé, non? Aurais-je pu faire ce type de papier aujourd’hui ? En tout cas, Audi me contacte pour me dire que toute la crédibilité de l’Audi TT tombe! J’avais encore la latitude de répondre  » On fait ce que l’on veut! » en tant que journaliste.

F: En parlant d’un autre temps, j’aime particulièrement cette photo ci-dessus, peut-être fait-elle resurgir une actualité actuelle bien triste et pourtant, elle arrive à dessiner un sourire tant est-elle décalée et totalement improbable! Elle m’attendrit réellement.

D: Je l’aime beaucoup aussi celle-ci. Quand je repense aux circonstances, elle me fait marrer. C’est une photo personnelle, je l’ai moi-même financé. Tu reconnais le quartier ? 

F: Non.

D: Tu le connais sous le nom de Bercy Village. Quand les Halles aux vins furent détruites pour en faire le quartier actuel, cet effroi architectural, cette destruction massive pour une reconstruction m’inspirait. C’était en 1984. J’avais dans l’envie d’immortaliser cette époque charnière des années 80. J’ai vu cette explosion positive des moyens de communications  qui ont amené tant de bonnes choses pour la musique, la danse, les radios libres, les comportements, je peux la comparer à l’émergence du numérique qui nous a fait faire un bond incroyable dans l’approche des éléments. Et paradoxalement, à cette même époque, mes parents me prenaient pour un fou joyeux, une sorte de zombie tant le choc des générations était plus fort à ce moment là. Un autre temps se mourrait pour laisser place à l’extravagance prolifique que nous connaissons à présent. Je ne pouvais pas le laisser s’évanouir comme ça, je souhaitais l’immortaliser à ma façon. Ainsi sont nés ce besoin et cette idée  » le cycle de la destruction à la reconstruction ».

J’ai tenté de faire cette photo lorsque le chantier était ouvert, mais par sécurité on me virait à chaque fois. J’ai attendu un soir qu’il n’y ait plus personne et bingo!

Ce n’était pas une sinécure mais tellement grisant. Je suis allé chercher une dame dans la rue, j’ai demandé à mon plombier de m’aider. C’était bien plus facile, les gens disaient oui, ça les amusaient alors qu’aujourd’hui j’aurais pléthore de droits d’image et d’interrogations en France. J’arrive pourtant à retrouver cette légèreté et cette bonhomie encore en Espagne. Pour les remercier j’envoie les photos par la suite à mes « modèles ». C’est marrant, ils m’en parlent même 20 ans après, et parfois me retrouvent sur Facebook. Je t’assure France, les gens sont gentils et l’automobile est un monde gentil aussi, bien plus que celui de la mode.

F: Mais la télé fonctionne ? Les bigoudis, le paquet de chips et c’est quoi ce truc à côté de la lampe?

D: Oui oui, le téléviseur est bien branché. Je l’ai alimenté avec un groupe électrogène. Il y a aucun trucage dans cette photo, elle est brute. Les bigoudis? Je voyais ça à longueur de journée à cette époque, ça m’avait marqué. Je cherchais vraiment à laisser une marque de cette période. Et entre nous, cette période est synonyme de ringardise aujourd’hui. C’est pourquoi, je voulais des objets ringards au possible. Penses-tu, je ne pouvais pas faire autrement que de montrer une bouteille de Pinard dans ce haut lieu du vin.

F: Et cet objet au pied  de la lampe? Il a une forme de caniche. Entre nous c’est vraiment moche!

D: Oui, justement, c’était le but. Tu n’as pas connu ça toi, mais à cette époque les dames adoraient tricoter des cache-pots, des caches bouteilles de toutes formes. C’est le summum de la ringardise tu ne trouves pas? Pour moi le mot ringard n’est pas une insulte, mais désigne tout simplement une idée dépassée sans que l’on s’en rende compte. Des gens avec des idées progressistes qui ne comprenaient rien à rien.

Et pour les chips qui te font sourire, pour information ce sont  des chips Flodor … les chips des années 80! C’était mon clin d’œil.

F: Un truc me dit que oui, tu devais être un zombie de ton époque.  J’aimerai d’ailleurs te parler de cette photo dénichée sur Facebook. J’ai entendu un récit au détour d’un apéritif dans le Sud de la France. Le monde étant minuscule, un de tes copains d’enfance m’a raconté vos cabrioles sur le Trocadéro en BMX… Petite idée saugrenue qui m’a traversé l’esprit : le BMX a été importé des US en Europe par un journaliste de moto-cross en 1978… Cet homme, serait-ce toi ?

D: [Sourire]Je ne pense pas être ce fameux journaliste dont tu parles. Cependant, j’étais bien le premier à m’intéresser à ces trucs bizarres à deux roues en France. En fait, un vendeur du magasin Zone 6, la première boutique tout-terrain en France, a amené des USA un de ces vélos formidables. En 79, j’ai proposé au magasine Auto Loisir d’en faire un papier. C’était le premier magazine à traiter du 4×4 comme loisir et non seulement comme outil de travail. Au-delà de ça, ce journal était avant-gardiste si tu considères qu’il était un des premiers à présenter le Tuning. Généralement mes papiers étaient diffusés dans la rubrique « Nouveau ».

Je m’y suis intéressé d’emblée, j’ai fait un sujet que j’ai pu diffuser un peu partout (dans VSD aussi par exemple). Il y avait encore très peu de marque, mis à part Ligier. 

J’ai toujours été fou de revues. J’en ai un garage complet. J’adorais le magasine Action Now, une revue US qui traitait de tous les sports décalés à l’époque. C’est là dedans que je vois les premiers BMX et des clichés de types qui dévalaient à toute vitesse le flanc d’une montagne dans lequel ils avaient caréné le centre. Des clichés complètement fous que l’on ne voyait encore nulle part ailleurs. Les gars mettaient des coups de flash dans les vagues, des contre-jours de folie, de la lumière supplémentaire en extérieur ! Personne ne faisait ça à l’époque ! C’est ainsi que j’ai amené l’éclairage outdoor.

F: Si je te suis bien, c’est en partie grâce au BMX et aux sports décalés de l’époque que ta signature est née?

D: Mon école technique, avant les machines, c’était la mode, et mes références étaient Guy Bourdin, Newton et Jeanloup Sieff entre autres. Bourdin était complètement dans son monde, le type se faisait mettre en taule pour trouver l’inspiration! Et Sieff parce que ses N&B étaient magnifiques. C’était des avant-gardistes de l’image des années 70.

Photo de Guy Bourdin (en haut) et Jeanloup Sieff (en bas)

Ce que tu ne sais peut-être pas, c’est j’ai été un des premiers à croire au Tuning. J’avais même rencontré Artz (lire aussi : VW Golf V8 Artz). Il a monté en 1973 des Volkswagen que j’ai vues au Salon de Genève. Pour l’anecdote, je ne parle pas Allemand,et j’ai demandé les services d’un interprète, ainsi qu’une voiture à BMW pour pouvoir y aller. A l’époque j’étais pigiste et j’ai proposé mon sujet à AutoHebdo, la rédaction était assez ouverte, mais pas le rédacteur en chef. Lorsque je lui ai dit que je souhaitais suivre ce mec et l’art du Tuning, il a refusé. Nous étions encore dans une presse presque exclusivement rédactionnelle. J’ai donc décidé de monter le premier magazine de Tuning en 82 qui s’appelait Option Auto.  Au début, on éditait 4000 exemplaires puis très rapidement 100 000 ! Pour la photographie le tuning s’y prêtait très bien, pousser les performances et les technologies, ce n’était pas du sport mais de l’art. Cette proposition de presse a été un tremplin tel qu’aujourd’hui des canards comme Auto Heroes marchent à fond, ils ont compris, ils ont opté pour la différenciation.

Nous parlions encore et presque seulement d’efficacité, d’optimisation des performances, le sport était exacerbé alors qu’avec le tuning, le pilote pouvait, au-delà de la motorisation, améliorer et personnaliser l’habitacle. Les gens pouvaient créer une voiture à leurs goûts, même il y a du bon et du mauvais goût. La personne pouvait s’identifier, devenir unique à travers sa voiture.

Dans la même veine, en 78, j’avais déjà l’envie de mettre des personnages sur les photos. A ce moment là, je l’ai proposé à André Costa de l’Auto-Journal, qui m’a pris pour un fou. Tu comprends, ça ne se faisait pas! C’était l’idée de l’image automobile d’avant, en même temps, cet homme était le ponte de la presse automobile, tu imagines que les marques lui payaient des Jet Privés pour lui et sa femme pour se rendre aux essais. Un autre temps comme je te disais.

Aujourd’hui, les coups de flash en extérieur et les personnages sont incontournables dans mon travail, j’ai besoin de raconter des histoires. La photo doit susciter une émotion, faire surgir une référence personnelle. Je pense aujourd’hui y être arrivé lorsqu’une personne me parle d’une photo marquante. Voilà, j’essaie de marquer les esprits.

F: Tu souhaites marquer les esprits ? C’est bien ça ? Furygan a dernièrement sorti son catalogue pour lequel tu as photographié la dernière collection. Tu t’es amusé à faire un petit teaser sur Facebook avant de dévoiler cette photo… spectaculaire par la puissance qui s’en dégage, tu m’expliques ?

D: C’est exactement ce qui ressort de cette photo. Elle symbolise le monstre de puissance qu’il faut relâcher. Dans l’idée, j’avais en tête le principe du lâcher prise, un besoin de partir pour mieux se libérer. Tu sais que nous avons fait cette prise en 45 mn seulement. Au départ, nous avions trouvé une personne qui nous prêtait sa maison. C’était trop venteux, trop escarpé et la fin de journée nous n’arrivions à rien. Nous avons abandonné. Sur le retour, on passe devant ce champ, j’avais l’endroit idéal pour mon dessin. Tu connais les caravanes du cirque Pinder ? Pour cette photo nous étions peu ou près similaires. Un rapide check list comme ça de mémoire : compte pas moins de 20 personnes, 10 véhicules dont le camion des motos, celui des 200 vêtements, celui du matos photographique, celui pour l’équipe, et moi en tête de fil, en moto. Maintenant, imagine quand je lève le bras et je dis «  SToooP ! » c’est ici que je veux faire ma photo. Le champ venait d’être coupé heureusement. On devait faire vite, c’était en plus de cela le jour du Tour de France, nous n’avions pas de temps à perdre. En 2 temps 3 mouvements, naturellement s’est crée une synergie, une dynamique d’’équipe, nous nous sommes tous affairés, nous avons tout mis en place, nous avons bousillé le pneu aussi. La magie de l’improvisation offre des résultats inespérés. Parce que ce que je n’ai pas expliqué, au-delà de ma grande famille, du vent, du Tour de France, il faut ajouter le groupe électrogène qui tombe en panne, et que nous sommes tous sur les rotules. L’esprit de l’équipe a été tel que nous avons réussi ce pari fou, cette image dingue que j’avais en tête, c’est tellement énorme ! Peut-être que cette photo prend de la force sur un plan marketing car effectivement les modèles peuvent assurer du bien fondé des qualités des vêtements Furygan.

Tu vois la fumée qui s’échappe? Il n’y a pas de trucage, la roue a tellement tourné dans l’argile que nous avons même eu la fragrance de la moto!

F: Attend une minute, depuis tout à l’heure nous parlons de tes photos hors-normes. Ne le prend pas mal, jusqu’à présent j’étais persuadée que tu usais voire abusais des trucages numérique à mort! Et là, je ne sais plus quoi penser.

D: [Sourire] Tiens regarde, prend cette autre photo moto. Tu ne me croiras pas si je te dis que tout est naturel. Je mens, j’ai utilisé un peu de Sépia et de la Chromi, c’est tout!

F: Mais ? Le filet arrière? Cette netteté? On voit même les détails sur le carburateur!

D: Je te confirme qu’il n’y a aucune retouche. Par contre un travail titanesque de synchronisation. Pour arriver à ce résultat, nous devions tous rouler à la même vitesse (70km/h), la voiture et les motos, j’ai utilisé un filtre gris et une ouverture de 3s longue pause pour obtenir cette densité jusqu’aux arbres en second plan et cette netteté au premier plan. C’est techniquement la plus simple et la plus difficile à obtenir. Les filles regardent devant, elles ont joué le jeu. J’adore cette photo faite sur un circuit des années 30 en Espagne, la chaussée était franchement mauvaise, mais la remontée était intéressante, elle a quelque chose de magique tu ne trouves pas? J’ai eu un choc lorsque je l’ai vu. Le vrai mieux que le faux! 

Quand je la regarde, je ressens tout ce que j’ai connu lorsque je faisais du circuit moto de 75 à 80, j’ai connu les groupies et cet état d’esprit « rébellion de l’interdiction ».

F: Tu as eu combien de vies? Un vrai chat. Des hobbys à foison, un esprit tout azimut. Ceci dit, ton attrait pour les chaussures de femmes est un mystère pour moi. Etant une femme, je n’en fais pas une décoration, chez moi ce serait plutôt de l’ordre du rangement conceptuel alors que toi… non… tu dévoiles cet intérêt avec ce cliché de Ford.

D: Cette photo a fait l’unanimité, ce qui est rare dans mon travail. Façon cliché de mode, j’ai profité de la tombée de la journée et de l’illumination de la Concorde pour gagner cette luminosité à part. Et effectivement, je ne me cache pas que je suis fan des chaussures de femmes.

F: Pour rester un peu dans ta part de féminité, l’ange gardien de la Fiat, j’ai différente lecture de cette photographie, quelle est la tienne?

D: Cette photo est à part pour moi. En fait, celle-ci n’a pas été vraiment diffusée puisque c’était une commande très spécifique. Lorsque je l’ai présentée, elle n’a pas connu un franc succès auprès du service communication du constructeur. Peu importe, je me suis battu bec et ongles pour la faire accepter, ce qui fut le cas, car je sais être très persuasif quand quelque chose me tient à cœur. Cet ange gardien n’arrive pas par hasard dans ma vie. Peu avant ce cliché j’ai failli quitter ce monde suite à une embolie, j’ai vu la mort si proche de moi qu’intuitivement nulle autre photo ne pouvait remercier cette chance que j’ai d’être en vie.

Ce cliché a été un accouchement torturé. Que des soucis. Nous étions en Italie, en plein hiver, nous avions vraiment froid, les flics ont bloqué la voiture car elle n’avait pas d’immatriculation, je ne parlais pas un mot d’italien, eux pas un mot d’anglais, l’équipe de la prod’ était en retard mais j’avais besoin à tout prix de cette voiture le lendemain. Un calvaire et pourtant le résultat y est.

F: Que dire après ça ? Tu me touches par cette lecture offerte, je ne m’y attendais vraiment pas. Je sais que tu as participé à une vente aux enchères soutenue par Jaguar au profit d’une association qui soutient la lutte contre le cancer chez les enfants. J’ai trouvé ce partage sur le site de l’association Enfance & Cancer  qui disait « Jeudi 1er décembre, à l’occasion de la sortie de son premier SUV, la F-PACE, la marque Jaguar a convié journalistes, membre du club et amis au Pershing Hall à Paris pour découvrir, au cours de l’exposition privée du photographe automobile Dingo, douze compositions artistiques inspirées par ce nouveau modèle. […] Sept des douze œuvres présentées lors de l’exposition ont été proposées à la vente au profit de l’association Hubert Gouin – « Enfance & Cancer ». Merci à Jaguar et à Dingo pour ce bel élan de solidarité !

J’ai trouvé quelques photos de cette soirée

D: Oui c’est vrai, cette initiative est très belle et j’ai vraiment apprécié offrir à cette association le fruit de mon travail avec le soutien du constructeur. Cette photo de la F-PACE sur la barge a connu un succès fou, 30 personnes la voulaient. J’étais content pour l’association. La demande Jaguar était un cadeau, j’avais carte blanche, une vraie confiance entre le constructeur et mon travail. C’est plaisant de travailler ainsi. Mais si tu savais ce que nous n’avons pas du faire pour réussir mon idée. Il a voulu sa barge, Dingo a eu sa barge! Je l’ai trouvé dans une sorte de décharge, sous un amas de résidus de toutes sortes, en gros 15 ans et 100 kg de merdouilles et une barge de 25 tonnes à soulever, j’ai eu besoin d’une grue et cette opération m’a sifflé 40% de mon budget ! Je l’ai eu.

Nous avons dans un premier temps shooté la voiture sur la barge, au sec : il n’était pas question d’avoir un SUV à l’eau, surtout à ce prix! Puis, nous avons mis la barge à l’eau avec le modèle ce coup-ci. Pour cette photo je ne pouvais pas faire autrement que faire un montage, par sécurité finalement.

F : Dingo, il est 22h30, ça fait 2 h que nous sommes au téléphone, on s’en fait une petite dernière pour la route ? Tu t’es amusé à faire une série mettant en scène des pompiers, des facteurs et des agents EDF avec une Porsche…

J’ai pris beaucoup de plaisir à faire cette série. Je pense qu’elle a marqué les territoires. Je souhaitais vulgariser la voiture de luxe, si l’on y réfléchit bien, ce sont des boulons et des trucs assemblés. Je rêve que tous le monde puissent s’acheter une Porsche, le dentiste, le prof, l’agent EDF. Jules Renard disait à juste titre  » Il y a de la place au soleil pour tout le monde… »

Il n’y a pas de costume spécifique pour aimer les voitures et celles de « luxe » telles que les Porsche. 

F: Ta vision fait remonter un souvenir. J’étais au fameux restaurant de la Tour Eiffel accompagnée de personnes incroyables, lorsque je vois entrer un homme en bleu de travail pour déjeuner. Je suis d’accord avec toi. Un technicien ne devrait pas connaître de limite si le plaisir est la source de son besoin.

D: Tiens, ça me rappelle une scène de vie. J’étais sur la côte et j’ai eu la chance de dîner dans un restaurant de coquillage connu et divin, il y a une liste d’attente pour avoir une table, tu imagines. J’étais assis en train de déguster mon dessert, lorsque je vois tous les serveurs s’affairer à 23h, disposer des tables et remettre tout en ordre. A ce moment-là, une limousine s’arrête devant le dit restauration, un petit bonhomme en sort accompagné de 4 sublimes femmes de 1m80. Ils s’installent près de nous et la personne qui m’accompagnait, demande au serveur  » Mais qui est cette personne? » le serveur lui répond  » bien c’est Prince Monsieur », « Prince? Prince de quoi ?? »… c’était la pop star Prince. Tout ça pour te dire que l’habit ne fait pas le moine et que nous avons tous droit au bonheur, au plaisir, Il ne devrait pas y avoir de strate pour ça.

Quelque part, cette photo résume ma philosophie de l’automobile.

F: Difficile de s’arrêter ainsi, comme ça à la façon de ceux qui se quittent sur le pas de la porte sans savoir comment se dire adieu alors, là maintenant, si tu avais une photo à faire pour immortaliser notre conversation, ce serait ?

D: Ahhhh, comme ça, une photo qui ressemblerait à tout ce que l’on s’est dit sur ce milieu automobile englué dans les carcans où l’on a un peu perdu le 1er jus du plaisir. On oublie que notre passion est avant tout une joie, comme celle de conduire, éprouver des choses, des émotions en vivant l’instant présent.

J’aimerais une photo symbolique qui exprime le bien-être que l’on a dans une voiture, en faisant abstraction du luxe sans se poser de question, car on s’en pose bien trop. Casser et oublier l’instant d’une photo que le monde est régie par l’argent.

Oui, j’ai une photo en tête là.

Regrouper tous le monde automobile, ingénieurs, designers, mécaniciens, journalistes, artistes, directeurs marketing, PDG, secrétaires, pilotes …. Tous sur la même photo… tous en train de se marrer ! Ce serait fantastique, grandiose !

Montrer que nous avons de la chance de travailler pour une passion, que ce n’est pas triste au contraire, avoir le sourire et se fendre la poire à chaque nouvelle idée.

Et pourquoi ne pas lancer cet appel sur Boitier Rouge ?

Chers lecteurs, chers confrères, chers techniciens, chers constructeurs, voilà une belle idée! Et si le grand challenge du XXI e siècle serait de nous rassembler et de réaliser cette photo ?

Voilà, c’est fini comme dirait Jean-Louis, tu peux reprendre le cours de ta vie, Dingo, je te remercie pour ce moment que tu nous as accordé sachant ton emploi du temps plus que serré. On se donne rendez-vous dans 10 ans sur la place des grands Hommes ?

Retrouvez 3 autres photos « rares » de Dingo ici: Venturi 260 Rallye-Raid, le proto oublié.


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